vendredi 19 juin 2015

Portrait of a Lady et The Night - Frédéric Malle

J’ai été récemment en contact très rapproché avec Portrait of a Lady si bien que j’ai eu envie de reprendre un article que j’avais publié fin 2010 à son sujet et de le compléter un peu. Je l’avais aimé dès sa sortie et je constate que 5 ans après son lancement son succès ne fait qu’accroître auprès des amateurs de la belle parfumerie.
Je livre donc une déclaration d’amour à retardement à ce parfum qui ne cesse de me surprendre et de me troubler. Je le porte occasionnellement de peur de m'y habituer mais c'est à chaque fois un plaisir immense de le retrouver et de le sentir flirter avec mes mouvements.
Il est signé Dominique Ropion (compositeur de Very Irresistible, Alien, Armani Code Woman, Trésor in Love, Amarige et bien d'autres). Portrait of a Lady est un boisé floral à fort pouvoir de séduction. Il vient enrichir la très belle gamme des parfums imaginés par Frédéric Malle.

Très complexe et en même temps clair et aéré ce parfum s’ouvre sur une très belle essence de rose fraîche, quelques éclats vifs et métalliques de géranium et d’une pointe de framboise qui servira de liant jusqu’au cœur du parfum. On y perçoit également quelques effets épicés de cannelle et de poivre. 

Ce qui est étonnant avec ce parfum c'est le travail autour de l’essence de rose, on la survole, on l'effleure mais jamais elle ne se livre totalement. En aucun cas elle ne s’affiche rétro, cosmétique ou fleur bleue. Au contraire. Elle est fantasmée. Cette essence de rose, d’origine turque, est un prétexte à un parfum boisé oriental d'un nouveau genre ; un parfum texturé en 3 dimensions : florale, boisée et ambrée. Il se boise d'encens avant un saut magistral dans un cœur de patchouli hyper confortable (le Patchouli Heart est une nouvelle fraction épurant l’essence terreuse et rêche de la plante pour n’en retenir que la quintessence).  Ainsi, ce bouquet de feuilles épuré prend son élan sur un prisme de molécules immatérielles (comme le chaleureux cashmeran qui soulève le patchouli vers un final en muscs blancs puissants et autres molécules ambrées, très diffusive et rémanentes). L’aura que diffuse ce parfum est surréelle. Contrairement à son étiquette Portrait of a Lady n’a rien de franchement féminin, c’est tout là son paradoxe. Mais c’est ce qui fait son charme aussi.

D’un point de vue olfactif, Portrait of a Lady est une secousse magnétique, un véritable choc olfactif qui s’impose dans l’air et qui sait attirer les nez curieux et les compliments. D’un point de vue technique et dans l’utilisation de ces ingrédients Portrait of a Lady est un bijou high-Tech qui réinvente avec brio le sempiternel duo rose-patchouli pour en livrer là un parfum inédit et parfaitement bien équilibré. Apparemment le chaos des overdoses donne ici un résultat remarquable. Enfin, d’un point de vue subjectif, Portrait est un fauteur de troubles.

Imaginez une scène de western où le héros du film (en collier de perles et biscotos) entre dans un saloon bondé. L’ambiance est lourde et l’harmonica souffle sur l’air sec du désert. Tout le monde se fige, les regards se tournent vers les portes battantes et on dévisage l’inconnu(e) dont la silhouette se dessine à contre-jour. Son parfum a déjà envahi la pièce et pour une raison X la tension monte ; une baston va éclater. Accrochez-vous à vos pop-corn. Ca va swinguer.

Vous comprenez alors que je ne m’enivre de ce parfum que lorsque je m’ennuie un peu. Le vaporiser ouvre porte à l’aventure…(qui ne finit pas en castagne, je vous rassure).
 
Photo perso. A gauche The Night, à droite Portrait of a Lady

L’année dernière, le génial duo Frédéric Malle et Dominique Ropion composent un Oud « The Night »* plus vrai que nature. Hé oui, encore un Oud ! Mais pas un sirop « foutage de gueule » ; The Night is THE oud ! 
(On parle d’une formule dosée à 20% en véritable essence d’Oud). Une fois que vous aurez senti ce parfum vous ne verrez plus l’Oud comme avant et vous ne pourrez même plus envisager de porter autre chose. Tout semblera n'être qu'imposture. Si vous êtes du genre aventurier et si vous vivez des relations sado-maso avec les parfums (que vous aimez vous prendre des claques … olfactives, s’entend) attendez-vous à décoller. The Night vous fera voir 36 chandelles. Mais quelles chandelles ! Tout Versailles dans un sniff.
The Night est l’enfant orientalisant de Portrait of a Lady. Il délaisse ainsi ses perles pour basculer dans le côté obscur du fauvisme. Même si sa rose est hérissée, l’animal est dompté et son empreinte est indélébile. Puisque Portrait of a Lady et The Night ont ce lien de parenté évident (rose-patchouli-ambre) je peux vous conseiller de les superposer. Vous vivrez-là la plus insolite des expériences. Attention alors à votre sillage. Personne n’en sortira indemne. Pas même vous.

*(The Night est disponible à Paris dans les corners et les boutiques de la marque, demandez-le ; il n’est pas exposé avec les autres parfums).