mercredi 28 mai 2014

Civette sait faire un bon café

Le tigre et le singe, ici on connaît pas.

Dans l'année calendaire de The Empty Bottle je décrète que 2014 est dorénavant sous le signe de la civette (elle s’invite déjà dans 2 de mes posts). Il se devait d’y en avoir un troisième, que voici.

Pour la parfumerie, la nature nous comble de ses innombrables ressources végétales. Prenez l’oranger (Citrus sinensis) par exemple; on utilise ses feuilles tendres (le petitgrain),  ses fleurs (en absolu, eaux de brout, eau de fleur d’oranger et en huile essentielle) et l’écorce de ses fruits.

Dans le monde animal, il est une bestiole pleine de qualités et de surprises cachées: madame civette.

Celle qui vit en Ethiopie fait le bonheur des parfumeurs, et sa cousine Indonésienne fait la joie des amateurs de cafés.
Quoi? A l’instar des parfums rares et exclusifs, il existe un café insolite et hors de prix. Son procédé de fabrication et son « cheminement » en font un produit naturel des plus extraordinaires. On l’appelle le Kopi Luwak (kopi pour café et Luwak pour civette).

Qui? Des civettes locales très gourmandes en baies de cafés bien mûres (les plus goûteuses) s’empiffrent la nuit venue de la future récolte des producteurs de café locaux, comme si c’était des M&M’s.
Ayant fait des ravages dans les cultures de caféiers les agriculteurs indonésiens prirent le problème à l’envers quand ils découvrirent que cette civette-là pouvait devenir une poule aux œufs d’or. Plutôt que de chasser l’intruse, ils lui offrirent sur un plateau ce qu’elles venaient leur dérober. Un pacte était donc né entre l’homme et la bête. Un pacte lucratif au profit de l’homme, s’en dit.

Comment? Le café Kopi luwak n’a rien à voir avec le foie gras. A l’inverse du gavage hard core des oies pour la préparation du foie gras, la civette est consentante. Elle survit à l’opération puisqu’elle ne sert que de « transit » entre la cerise de café fraîche et le rendu final. Les sucs gastriques de son appareil digestif rongent la pulpe et la chair du fruit mais n’attaquent pas le noyau. Ce dernier s’imprègne alors d’un arôme unique. Il est ensuite expulsé par voie naturelle.
Les grains ainsi récoltés sont triés à la main, nettoyés et ensuite torréfiés. Ils sont prêts à être emballer puis consommer par des esthètes fortunés amateurs de grands crus.

(Je n’explique pas comment une grappe de grains de café prédigérés par une civette s’est retrouvée dans la tasse de quelque qu’un qui a trouvé ça formidable. Mais bon.)

Si vous voulez déguster ce nectar il faudra débourser au moins 70 € pour 100grs. Accompagné d’un nuage de lait et d’un macaron je suis sûr que c’est une expérience gustative mémorable. What else ?

Un conseil; ne remplacez pas les croquettes de Tigrou par des grains d’arabica, il vous a vu venir, il n'est pas dupe.

jeudi 8 mai 2014

Ceci n'est pas un coup de gueule

Dans certaines parfumeries (ou autre boutiques de luxe) les employés vous font comprendre d'un simple regard que vous n’êtes qu’une pauvre petite poussière qui erre dans un monde merveilleux où Parfums, maquillages et cosmétiques hors de prix sont les maîtres des lieux. 
Vous entrez donc dans un monde doré qui n’est pas le vôtre. 
Comment osez-vous troubler la beauté des lieux avec vos sabots crottés et vos cheveux aux quatre vents ?
Impies, vous souillez le sacré ! 
Ici on vend du pur luxe et de la marque. Et ce luxe s'affiche et se paye.

Madame Schwartzkatzenberger et Monsieur Michou sont les sphinx des lieux*. Ils vous toisent avec un mépris mal dissimulé. C’est un air de circonstance, un air hautin naturel. Les sourires sont pincés et leurs regards sont suffisamment éloquents pour vous donner l’envie de rebrousser chemin et de ne jamais (oh non jamais!) penser à revenir.
Sur le coup je me demande si l’alcool des parfums évaporés dans l'air ambiant ne me fait pas halluciner. Suis-je tombé dans une branche extrémiste du Vatican, dois-je payer un droit d’entrée, faire un signe particulier, baiser le sol, revenir habillé en Prada?
Je fais un pas en avant et j’avale presque mon chewing gum (pas la noisette qu’ils réservent à leur clientèle ploutocrate).
Alors, je veux sentir le nouveau parfum d'Etro, puis le tout dernier Juliette Has a Gun, replonger dans Eau d’Hadrien et essayer le dernier Shalimar Ode à la Vanille du Mexique.
Ah, vous n’avez pas le testeur? Et c’est quoi ce flacon là sur l’étagère Guerlain? 
Soit elle me prend pour une bille soit elle ne connait pas la forme du flacon de Shalimar (!!).
J’opte pour ma première pensée.
J’en rajoute une couche en lui demandant les ingrédients de la composition. Elle réajuste ses binocles et tente de lire une étiquette au verso de l’emballage: alcool, fragrance, aqua, ethylhexyl methoxycinnamate, red4 (CI14700), yellow 5 (CI19140)… blablabla. 
C’est jouissif. Mais c’est pas moi qui ai commencé.
I’ll be back.
Force est d’admettre que cette parfumerie possède une très belle gamme de parfums mainstream et créations de niche. La tentation est toujours trop forte.
Alors, comme un mulet borné je renouvelle assez fréquemment cette même expérience en retournant dans la cage aux fauves (aventure momentanément douloureuse au seuil de la boutique mais ô combien jubilatoire).

Avec toujours cette même naïveté enfantine qui fait fi de ces gardiens asséchés je joue à leur propre jeu. Je les snobe avec panache et je trace vers le testeur qui m’intéresse. Parfois affolés par mon intrusion ils tentent une approche. C’est un effort surhumain que de daigner s’adresser à ma petite personne pour me proposer une aide. En fait, ce n’est pas moi qui les intéresse mais plutôt le vapo que je viens de saisir (voyant que je tiens dans mes mains de profane le saint Graal). Je prends alors ce même regard de dédain et je largue avec indifférence un "non, ça ne sera pas nécessaire"

Inutile de demander le moindre échantillon. Leur visage se crispe d'une profonde tristesse comme devant un frigo vide. Par le plus grand des hasards leurs tiroirs sont momentanément à sec (pour moi) alors que Madame Truc Muche de la Motte qui vient de se faire reluire le berlingot à la cire La Praire croule sous les fioles et autres petites attentions.

Après un petit tour dans l’arène, paumé dans mes mouillettes et le nez embué, je prends l’exit. J’évite soigneusement un "merci" et "au revoir chère madame, votre compagnie fut un moment exquis"
Un "ciao !" fera l’affaire.

Je comprends la pauvre Julia Roberts dans Pretty Woman lors de sa malheureuse séance de shopping sur Rodéo Drive. Heureusement tout fini bien pour la belle; il y a une justice qui s’appelle: "le fric c’est chic".

Ah le luxe...
C'est quoi le luxe?

On dit que l’argent n’a pas d’odeur mais c'est à cause de ce genre d’attitude qu’il aura trouvé la sienne.

*Une belle parfumerie à l’ancienne à Hambourg qui fait aussi institut de beauté.
(Les noms des vendeurs sont inventés).